Archenoah Fraï Ft. Aurélien WiikDublin, Irlande - Thanatopracteur - 32 ans - 06 juin 1979 - HUMAIN
¤ Êtes-vous hanté(e) ou avez-vous déjà hanté quelqu'un ? : Naon, bien sur que non, je ne suis pas... Okay ! Je suis hanté. Mais ça ne vous intéresserait pas... Et puis c'est pas un petit garçon de 8 ans qui va pouvoir me rendre fou, hein... enfin, c'est ce que disent les gens... Oui, mais le petit garçon, c'est un être qui était cher à mes yeux, qui est mort dans mes bras, et qui a trouvé intelligent de me coller au train depuis ma première fois... Bon, je suppose que je devrais vous en dire davantage sur Henri. Oui, Henri, c'est ce petit garçon qui me suit partout. Lorsque j'avais sept ans, j'ai sauvé mon voisin d'une mort certaine, en l'empêchant simplement de traverser la route quand les bolides allaient à fond les ballons. Pendant les trois années qui suivirent, Henri et moi sommes devenus les meilleurs amis du monde, et tandis qu'il me cuisinait des plats de folie (oui, pour son âge, ce gamin savait faire des plats de dieu !), je le protégeais de tout ce qui pouvait lui faire du mal. J'étais un peu son ange gardien.. Jusqu'au jour où... Eh bien où il est mort ! Je n'avais rien pu faire. Des années, j'avais culpabilisé, jusqu'au jour où il est arrivé comme une fleur, et m'a dit que tout n'était que le fruit d'une malencontreuse petite erreur, et que ce n'était pas de ma faute. Depuis, il s'accroche à moi comme une arapède à son rocher !
¤ Que pensez-vous des fantômes de manière générale ? : S'ils ne sont pas aussi suants que celui qui me colle, les autres humains ont bien de la chance ! Si je meurs un jour, je compte bien m'amuser aussi ! Aller embêter une personne que j'ai connue, ma mère si elle est encore en vie !
¤ Caractère et goûts :Hum... je suis totalement incapable de me décrire en quelques mots. Je suis incapable de me décrire, tout court d'ailleurs ! Je ne suis pas objectif, et malheureusement, je juge mal mes propres actes.
Les gens que je croise dans la rue me décriraient ainsi: Il semble plutôt bien portant, et agréable sous tout rapport... enfin, disons au premier regard. Oui, parce que si c'est lui qui vous regarde, il vous fait froid dans le dos. A vrai dire, on n'a même pas envie de lui parler, de le connaître...
Bien entendu, les fantômes dont je m'occupe ont aussi leur opinion : Il est très renfermé sur lui-même. On pourrait prendre cela pour de l'orgueil, mais en réalité, c'est plus une forme brutale de préservation contre le reste du monde. Il est strict, précis dans ses gestes et ses paroles, et il cherche toujours à trouver la perfection. C'est sans doute la raison de son choix de métier. Malgré les apparences, c'est un homme très tourné vers autrui. Seulement, il ne le montre pas.
Voici ce que la majorité des personnes vivantes que j'ai eu l'occasion de connaître pense de moi : Ce type, c'est un sale enfoiré. Le fait de trainer seul, c'est son problème. S'il n'emmerde personne... Mais si vous souhaitez l'approcher tout de même, soit il vous envoie balader comme, soit il se laisse apprivoiser comme un animal, avant de vous planter un couteau dans le dos ! Il est malsain. Ses silences sont pesants, ses regards sont effrayants, ses gestes sont terrifiants. Ce mec, c'est le mal en personne ! Et le pire, il parle tout seul ! Vous le croyez ça ? Il est fou ! Il est complètement fou !
Ma mère aurait ses mots : "Mon petit bébé d'amour, c'est un véritable artiste ! Il a toujours un tas de choses à lire, à dessiner et à écrire ! Oh oui, il a une imagination foisonnante ! Il parle même tout seul ! Ca lui arrive fréquemment. Comme s'il avait un ami imaginaire... enfin, beaucoup de gens ont un ami imaginaire, et ce depuis toujours. Souvent, j'ai l'impression que mon fils redevient un petit garçon. Peut-être parce qu'il se dit dadaïste, vous savez, ce mouvement littéraire et philosophique, dit 'du poney de bois" ou quelque chose dans le genre. Qui veut qu'on garde sa "part d'enfant"... Je trouve ça un peu stupide, parce qu'un adulte devrait rester un adulte, quoi qu'il en soit, et prendre ses responsabilités ! Et puis, Noah, malgré quelques choses qu'il n'arrive pas à faire, comme porter des habits de couleurs, faire la cuisine, ranger son appartement ou trouver une petite amie convenable, il a pas mal de qualités ! Je l'ai toujours considéré comme un ange. Il protège, voire surprotège ceux qu'il aime. C'est terrible à quel point il peut aimer ! Mais c'est terrible aussi à quel point sa timidité prend de la place dans son coeur. Il est du mois de juin, mais autour de lui, c'est l'hiver. Il n'a pas beaucoup d'amis, à cause de cet aspect froid qui émane de lui. C'est peut-être pour ça qu'il travaille dans les pompes funèbres. Les seuls qui le supportent, ce sont les cadavres... Non, c'est méchant ce que je dis là, parce que mon bébé, il a un gros coeur tout mou sous cette couche de glace. C'est mon file, tout de même, je le connais ! Il a tellement peur d'être trahi qu'il préfère s'enfermer dans la solitude. Les livres sont sa seule compagnie, la plupart du temps, avec cet ami imaginaire bien sur... "
Henri pourrait aussi dire un tas de choses à mon sujet : "Noah, c'est un vrai super héros. Il est tout pareil, et son super pouvoir, c'est moi. Enfin, maintenant. Je dis que c'est un super héros, parce que d'un côté, il mène sa vie, et tout, et puis de l'autre, il sauve des gens. Il les sauve pas d'un truc grave, il peut pas arrêter un train avec les bras par exemple. Ca, c'est que dans les comics ! Mais si on est dans le besoin, qu'il nous connaisse ou pas, Noah, il vient à notre secours. Et puis il a sa Némésis, sa part d'ombre. Il possède le Jocker qui sommeille en Batman ! Quand il est fatigué, il s'énerve facilement. Et puis il se met vite en colère, quand il a l'impression que la justice, elle est bafouée comme il dit. Noah, il protège la veuve et l'orphelin, mais des fois, c'est lui qu'on devrait protéger. Et souvent, de lui-même. Parce que des fois, Noah, il s'enferme dans une grosse dépression. Il pleure, et il pleure, comme quand je suis mort. Comme si je mourais encore. Comme si donner un beau visage à tous ces morts, ça lui suffisait pas. Comme s'il avait envie que ça les fasse revivre. Mais il sait que ça se peut pas... Alors il pleure encore plus, et pendant des jours, il veut parler à personne, même pas à moi. Il est plus capable d'adresser la parole aux gens. Comme s'il avait perdu sa langue. Alors, souvent, ce qu'il fait quand il est comme ça, il prend des jours de vacances, et il s'enferme dans sa chambre, pour écrire. Sur moi. Un jour, je lui ai demandé ce que ça voulait dire, il a répondu que c'était un défouloir. Il jette ça avec de l'encre sur du papier, comme si ça allait sortir de sa tête, et arrêter de lui manger le cerveau. Des fois, les dépressions de Noah, elles sont bizarres. Il se met à rire tout le temps, quand il est avec des gens, il a toujours plein de choses à dire, et à faire, de drole. Mais une fois qu'il est tout seul, il pleure encore. Il dit qu'avant que j'arrive, il avait même pensé à se suicider, mais qu'il a jamais osé le faire, parce qu'il a peur de la mort. Il a peur de l'après-mort. Il a peur de devenir comme moi.
Ah oui, j'allais oublier mes goûts !
J'adore la musique ! La grande musique classique, le jazz, le Rock'nRoll, la pop, j'ai même découvert l'électro russe, il y a peu. Je suis très ouvert, pour ce qui est de découvrir de nouveaux genres. Une seule chose que je n'aime pas, ce sont les concerts. Je préfère écouter la musique tout seul, chez moi.
Je ne suis pas très porté sur la cuisine, mais je peux assurer que je suis un carnivore pure race ! Et amoureux de la gastronomie asiatique !
J'adore avoir des sensations fortes, mais l'idée même de voir un avion me donne envie de hurler, n'allez pas me demander pourquoi. Je n'en ai moi-même aucune idée ! Pour tout le reste, je suis friand de découvertes ! Lorsque j'étais enfant, je rêvais d'être un grand explorateur, à la Indiana Jones.
Je porte des habits sombres, non seulement pour mon travail, mais aussi en toutes les autres occasions. Le noir, c'est soft, c'est classe, et c'est passe-partout. Une petite chemise blanche pour casser avec le pantalon, la cravate et la veste noire, et je suis un être humain normal.
¤ Histoire :1 / Henri
_ Mon petit bébé chéri fait un travail si horrible, c'est à se demander s'il est bien saint d'esprit.
C'est la voix d'une femme qui a dans la cinquantaine. Elle n'est plus toute jeune, et pourtant, elle a encore une pêche d'enfer, surtout si c'est pour servir du thé à ses amies !
_ Comment donc, Thérésa ?
_ Allons bon, maquiller les morts, c'est fou ce que c'est macabre !
Je sors la tête de la cuisine, l'assiette que je suis en train de laver encore à la main :
_ Maman ! Il y a pire que ça. Les pompiers qui vont à la pêche aux morceaux sur les accidents, c'est nettement plus gore que de rendre une personne présentable pour son dernier voyage.
_ Ooh, mais mon petit chéri, c'est pas pareil. Les pompiers font un travail exceptionnel, ce sont des héros. Et puis toi mon chéri, tu devrais étudier dans l'art ! Ces histoires que tu écris, sur ce gamin fantôme, c'est absolument...
_ Absolument ?
Ma mère s'arrête et réfléchit, sa tasse en porcelaine à la main. Ma mère ne supporte pas de savoir ce que j'écris, parce qu'intérieurement, elle sait que ce n'est pas un ami imaginaire. Mais elle n'aime pas en parler comme d'un fantôme. Elle a peur de la mort, elle a peur des fantômes. Alors, je sais ce qu'elle pense de mes écrits à propos d'Henri. Soit, je ne l'appelle pas ainsi. Le héros fantôme de mes histoires s'appelle Wilson. et pourtant, dès que j'en écris une, elle ne peut pas s'empêcher de la lire ! Je sais ce qu'elle va dire.
_ ... Elles sont terrible, je veux bien l'admettre, mais elles sont si extraordinaires !
Il faut avouer que des histoires sur un fantôme, c'est relativement plus étrange que des romans à l'eau de rose sur Sandy qui épouse Adrew, et qui tombe amoureuse de John...
_ Tu sais à qui il me fait penser ? Ton ami Henri, qui était mort si tragiquement, tu te souviens ?
Elle a si peur de la mort qu'elle ose encore penser que les gens qui sont hantés sont simplement fous. Pour moi, elle préfère parler d'ami imaginaire. Je la laisse faire. Elle n'a pas été vraiment gâtée de ce côté là.
Avec moult gestes précis et mesurés, elle se tourne innocemment vers ses copines pendues à ses lèvres.
_ Oh, mon pauvre bébé a été si choqué par la mort de son meilleur copain, qu'il en a pleuré toute les larmes de son corps pendant une semaine entière. Figurez-vous que...
Je me remets à la vaisselle. Je n'ai pas besoin d'entendre ma vie, et je me demande même comment ses copines peuvent encore supporter les récits de ma mère. Cela fait bientôt dix ans qu'elle leur sert le même discours...
"Ma vie a été un long fleuve tranquille - dans un milieu humide, n'oublions pas que je vis en Irlande ! - jusqu'à un soir, comme beaucoup d'autres, orageux à "tchoums" (comme le disait Henri, car pour lui, c'était le synonyme de "à souhait"), où je rentrais de l'école, au même titre que ce petit garçon de trois ans mon cadet.
Il était toujours dans la lune, et ce soir-là ne dérogea pas à la règle : il oublia de vérifier deux fois avant de traverser la route ! Moralité, une voiture fonçait à sa droite, et ma main fut plus rapide que le reste, pour l'agripper et le projeter violemment en arrière. Il s'en fallut de peu pour qu'Henri nous quitte... J'appris plus tard que je n'avais fais que retarder l'échéance.
Pendant trois ans, nous ne nous sommes plus quittés d'une semelle. Il m'offrait ses passions, je lui offrais ma protection. J'ignore toujours pourquoi, j'avais besoin de faire de moi-même un rempart pour le sauver du reste du monde, ainsi que de ses bêtises. "***
2/ La mort.
_ Pourquoi tu fais ce travail horrible, Noah ?
Ma mère est assise devant moi. Elle me regarde avec gravité. On a déjà eu cette discussion, j'ai toujours tenté de lui expliquer, mais c'est au dessus de ses forces. Elle ne peut pas comprendre. Comme elle ne peut pas comprendre que les fantômes existent. Peut-être l'idée de devenir comme eux, à errer à travers le monde, la rend déprimée. Je sais qu'elle prend des médicaments, en cachette, pour pouvoir dormir.
_ Maman, on va pas remettre ça !
_ Mon petit, c'est que je me demande si c'est bien, pour toi. C'est à cause de ton copain, Henri ?
_ Maman...
Bien sur qu'elle le sait. Elle veut en être certaine, comme toujours. Et je n'arrive pas à trouver les mots, comme toujours...
_ Peut-être. Non, pas vraiment. En fait, c'est juste que je trouve que ça peut redonner un peu le sourire aux familles de voir un visage reposé. L'idée qu'ils se font alors de la mort est fausse, mais au moins, ils sont apaisés.
_ Et toi, tu es apaisé, mon fils ?
"_ Noah ! Noah ! Regarde ! Je vole comme Superman ! Woohooo !
Oui, il volait. Bien sur, il était seulement en train de se balancer d'avant en arrière, sur cette balançoire que ma mère trouvait si dangereuse. Mais pour nous qui n'étions que des gamins, il volait, il volait vraiment ! Nous avions joué pendant un après-midi entier sur cette balançoire. Rien n'avait présagé ça.
_ Attention, Henri ! Attention à la Cryptonite !
_ Où ? Où est-elle ? Mes pouvoirs disparaissent, je m'affaiblis !
_ Ici !
Erreur. Fatale. J'ai plongé en avant, pour mimer un animal-cryptonite attaquant Superman. La balançoire a emmené Henri vers l'arrière. Une corde a lâché. Henri a été projeté contre une roche, tout près. Il s'est heurté le crâne. Il y avait du sang, beaucoup de sang. Trop de sang. Je savais qu'il n'allait pas revenir vivant de l'hopital où on allait l'emmener.
Je savais que j'aurais dû faire attention à la corde, que j'aurais dû lui proposer de jouer à un autre jeu, que j'aurais dû savoir ce qui allait se produire. Henri était le roi des catastrophes. J'aurais dû prévoir celle-là. Et je me dis toujours que si je n'avais pas sauté en avant, si je n'avais pas plongé sous cette fichue balançoire, si j'étais resté derrière à la pousser, c'est moi qui serais mort.
En attendant l'ambulance, je l'ai serré dans mes bras, et j'ai pleuré. Il n'arrêtait pas de me dire qu'il allait rejoindre les parents de Robin et Batman, qu'il allait retrouver tous ses héros, et réaliser ses rêves. C'était un autre monde, qu'il me disait. La mort, c'était un monde meilleur.
Il est mort avant l'arrivée de l'ambulance."
3 / Le retour
_ Vous voulez que je vous raccompagne chez vous ?
La demoiselle est très agréable. Elle est même magnifique ! Dès que je pose les yeux sur elle, mon coeur s'emballe. Elle s'appelle Holly. Et je crois que, depuis très longtemps, c'est la première qui me plaise assez pour que je dépasse les frontières que je m'étais fixées. Peut-être qu'une relation stable me ferait du bien, après tout...
_ Je veux bien.
Dans la voiture qui la ramène à son domicile, nous discutons de notre famille. Je regarde dans le rétroviseur, pour voir Henri. Il est toujours là, à me talonner. Il va encore rendre une fille folle parce que j'entends des voix et qu'elle va croire que je me moque d'elle.
_ Tu regardes quoi ?
_ Oh, un vieux fantôme.
Elle rit.
_ Comment s'appelle-t-il ?
_ Henri, et il a huit ans.
Autant qu'elle sache immédiatement. Je ne veux pas faire comme pour les autres... Mais il est déjà trop tard.
_ Je vais prendre un taxi.
"Pendant longtemps, je m'en suis voulu de l'avoir laissé mourir, de ne pas avoir été à sa place en cet instant fatidique. Pendant longtemps, je me suis dis qu'il ne fallait que j'aime personne, que j'approche personne. Je ne devais plus faire de mal comme j'avais fais. Mon père ayant été trop occupé pour se soucier de moi, il n'avait jamais pensé que son fils était totalement pris par la mort. Il avait peur de me réconforter, de faire son boulot de géniteur. Toute raison était bonne pour le faire quitter le pays.
J'étais au lycée. depuis la mort de Henri, je n'avais pas osé m'approcher de qui que ce soit, même des filles. Et pire que tout, je tentais de forcer ceux qui voulaient apprendre à me connaître, de comprendre que je n'en valais pas la peine. Mais une fille n'avait pas trouvé si intelligent l'idée de me quitter. J'étais tombé amoureux d'elle, et je trouvais de moins en moins de forces et d'idées pour la faire partir ou la quitter... Et bien sur, vint le soir de plus. Le soir de trop.
C'est avec elle que j'ai eu l'occasion de passer ma première fois. Et c'était merveilleux. Le lendemain matin, je me levai, pris de maux de têtes, et c'est en voulant prendre une douche que je le vis. Il avait l'air normal. Il avait l'air... en vie.
_ Tu m'as manqué, tu sais ?
_ Comment...
Il portait ce vieux blouson de cuir qu'il avait le jour où il est mort. Ses bottes brunes étaient pleines de boue. Comme ce jour-là. La seule chose qui était différente, en fait, c'était le sang. Il n'y en avait pas.
J'ai hurlé si fort que cette fille a détalé comme un lapin, et que je ne l'ai plus jamais revue... "4 / Le Silence
_ Alors comme ça, vous portez le nom de Richard Edman ? C'est un nom qui aurait bien collé à un acteur de films. Vous en aviez la carrure.
Le corps est étendu sur le lit où la vie l'a quitté. Tout le monde m'a laissé seul avec lui. Je suis seul.
_ Euh, Noah ?
_ Oui, Henri ?
_ Le monsieur est avec moi, il veut te parler.
Cela fait longtemps que je parle avec les morts. Enfin... que Henri parle avec les morts pour moi. Je sais qu'il est le seul que je sois capable de voir et d'entendre.
_ Il dit qu'il a quelque chose pour sa fille. Depuis qu'il est mort, il a eu l'occasion de voir le comportement de tous ses enfants et petits-enfants, seuls. Et la seule personne qui mérite d'avoir ce qu'il cache, c'est sa fille.
J’acquiesce. Ma mère a raison. C'est vraiment glauque, de travailler sur un corps, alors que son esprit est tout proche, à vous parler. Cela fait bien dix ans que je pratique, et je ne m'y suis toujours pas habitué.
_ Demande-lui de quitter la pièce jusqu'à ce que j'ai terminé. Et vas-t-en aussi. Tu sais que j'ai besoin de rester seul pour ce travail.
_ Mais il dit que c'est important.
Je soupire.
_ Henri, tu sais comment ça se passe quand je travaille alors que l'esprit est là. Je vais foirer. Alors demandes à ce monsieur Edman de me laisser faire mon boulot, et après il pourra me dire ce qu'il a prévu pour sa fille.
Je sais bien que je ne peux pas l'entendre, mais je peux lui parler. Je reste penché sur son corps. A quoi bon tenter de le voir, alors que j'en suis incapable ?
_ Monsieur Edman, je suis sincèrement navré, mais je suis payé pour... soigner votre corps avant que votre famille puisse faire le deuil. Cela peut paraître méchant de ma part, mais je voudrais que vous partiez d'ici, pendant une heure au moins. D'ici-là, je suppose que j'aurai terminé les soins sur votre corps.
La chambre se refroidit d'un coup.
_ Bravo, Noah ! Quel tact ! T'est vraiment un abruti !
_ Ce mot ne devrait pas sortir de la bouche d'un enfant ! Je te conseille de le supprimer de ton répertoire.
Le silence qui suit me signale l'absence de mon ami.
"Depuis que j'ai revu Henri, j'ai appris beaucoup de choses concernant la mort, concernant les morts. Et j'ai revu son corps, à son enterrement. Il était bien habillé, bien coiffé. Comme s'il dormait. J'étais attiré par les métiers en relations avec les pompes funèbres, et j'ai bien mis quatre ou cinq ans à y réfléchir. Mes études ratées dans le domaine littéraire, j'ai finalement décidé de me lancer dans ce travail, aussi triste qu'il puisse paraître, et qui consiste à rendre un corps propre et beau pour la dernière demeure.
L'odeur des animaux et l'odeur des humains sont différentes. Non seulement de leur vivant. Mais il en est de même lorsqu'ils sont morts. Je ne supporte pas l'odeur d'un chat écrasé. Pourtant, ce n'est pas que j'aime l'odeur des hommes morts, mais elle me fait penser à celle des vieux livres prêts à tomber en poussière. Elle ne me gêne pas. Et le fait de travailler auprès des corps me permet, avec l'aide de mon petit fantôme, d'avoir des contacts avec eux et de terminer ce qu'ils avaient commencé. D'accomplir les actes qu'ils n'avaient jamais osé faire, de dire ce qu'ils n'avaient pas eu le temps de prononcer. "Je m'appelle Archenoah Fraï, mais vous pouvez m'appeler seulement Noah. Je suis hanté par le fantôme de mon seul ami Henri, et je rend un dernier hommage aux morts.
¤ Détails qui ont leur importance :~ Je possède sur moi une photo de Henri.
~ Je suis phobique des méduses et des sangliers.
~ Les avions me font pleurer.
~ J'ai un tatouage sur l'épaule droite, celui d'un rat, en rapport avec Kenny Mc Cormic, un personnage de South Park qui meurt à presque chaque fin d'épisode et fini dévoré par les rats. Ma condition de thanatopracteur est liée à la sienne, de victime. Je suis rongé par le chagrin et la mort, dès que je vois les corps, mais je suis obligé d'en arriver à ce moment clé à chaque fois, je suis incapable d'arrêter mon métier.
~ Quand j'étais petit, je m'appelais seulement Noah. J'ai changé de nom pour Archenoah, en référence à Achéron, un des fleuves menant les âmes dans le monde des morts dans la mythologie grecque (notez que j'ai rajouté un "r" à mon nom). Personnellement, je me sens comme un guide pour le bonheur, que cela soit pour les vivants ou pour les fantômes, qu'ils soient bons ou mauvais, car comme Achéron, avant d'être transformé en fleuve, donna de l'eau aux Titans alors qu'ils combattaient les Dieux de l'Olympe, je souhaite aider tous ceux qui vivent, ou qui sont morts. Je trouve donc que ce nom me va plutôt bien !
¤ Comment as-tu découvert le forum ? : je cherchais un forum pour faire un fantôme (ou un humain voyant des fantômes)
¤ Code Secret ? : OK!¤ Fréquence de connexion sur le net : Disons 3/7 ^^^